A l’occasion de notre campagne pour International Girls in ICT Day 2020, Stéphanie Walter, designer d’expérience utilisateur chez Maltem, témoigne de son parcours et partage de précieux conseils pour les filles souhaitant poursuivre des études dans le domaine de l’IT. Bonne lecture !

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1.   Quel est votre parcours ? 

De base, je suis autodidacte dans la création de site webs. J’ai appris le HTML et CSS toute seule pour créer des blogs et ai toujours eu un gros intérêt pour les activités créatives. J’ai fait un master en création de sites webs multilingues pour consolider cette base autodidacte. 

J’ai commencé ma carrière en tant que designer d’applications mobile B2B (iOS, Android, Blackberry) en Allemagne. Je suis ensuite aller travailler quelques années en tant que designer et ergonome pour une petite agence web en France. Je suis arrivée au Luxembourg fin 2016 en acceptant un poste d’assistante de recherche dans le département HCI (Human Computer Interaction) de l’université de Luxembourg. Ça m’a donné l’occasion d’affiner l’aspect formel et scientifique de mes méthodes de design centré utilisateur mais également de participer à différentes activités de recherche dans du design de service et d’interface pour les étudiants.

Depuis quelques années, je suis devenue consultante. J’interviens désormais sur des missions plus ou moins longues et mets mes 10 ans d’expérience au service de mes clients. Cet aspect consultant est intéressant pour moi car il me permet de travailler dans différents environnements avec différents types d’équipes : de petits projets pour des startups dans le domaine médical, à de gros projets pour des banques en passant par l’industrie automobile, le secteur du tourisme et du voyage, etc.

J’ai toujours été passionnée par mon travail et ai commencé très tôt à partager des articles sur mes méthodes de conception, sur des ressources et des outils sur mon blog. Ces articles m’ont permis d’être invitée à donner des conférences un peu partout en Europe et en Amérique. C’est cette passion qui me pousse également à donner des cours à l’université, à organiser différents meetups à Luxembourg autour de l’UX, à participer en tant que mentor aux évènements WIDE, etc.

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2.   Pouvez-vous nous parler de votre travail aujourd’hui ?

Je travaille aujourd’hui en tant que Lead UX Designer (designer d’expérience utilisateur) pour la société de consulting Maltem. J’aide mes différents clients à concevoir des produits et services qui concilient les besoins de leurs utilisateurs et leur stratégie business.

Mon travail consiste à comprendre les problèmes que rencontrent les utilisateurs de services et produits de mes clients et proposer des réponses adéquates. En pratique et souvent en équipe, nous observons comment ces personnes utilisent les sites, applications ou services. Nous identifions là où ces personnes ont des difficultés. Il existe beaucoup de méthodes pour collecter des données de manière directe et indirecte. Je suis pour ma part plutôt spécialisée dans la collecte directe d’informations au travers d’interviews, de discussions avec les utilisateurs. A partir de là nous pouvons identifier les problèmes, les points de friction et commencer à réfléchir à différentes solutions.

Ces solutions doivent s’intégrer dans différentes contraintes des organisations pour lesquelles je travaille : temps, budget, stratégie globale, etc. Une grande partie de mon travail se fait donc en collaboration directe avec les équipes de développement, les équipes projet, les différents stakeholders dans ces entreprises.

Il existe beaucoup de méthodes dans notre « boite à outils de designers » pour réfléchir et trouver ces différentes solutions, mais ça prend souvent la forme d’atelier collaboratifs, de croquis, de concepts sur papier ou tableau blanc. En général nous essayons de trouver plusieurs solutions aux problématiques de nos utilisateurs et de définir celle qui répondra le mieux également aux contraintes de l’organisation.

Le meilleur moyen de savoir si une solution va fonctionner est de la tester. Une partie de mon travail consiste alors à créer avec nos équipes des prototypes de ces solutions afin de les tester avec nos utilisateurs. Cela peut prendre différentes formes : du prototype dessiné sur du papier à la maquette haute-fidélité faite dans un outil design qui permet de simuler le clique sur différentes pages. Le but de ces tests est de s’assurer que la solution proposée fonctionnera avant d’investir des heures de développement (dans le cas de produit numériques), de construction ou autre (dans le cas de design de service).

J’interviens actuellement beaucoup sur de la conception d’interfaces (sites webs, applications mobile, TV) mais il m’est également arrivée de concevoir des services, des espaces de collaboration pour des étudiants. Le processus reste le même : comprendre les problématiques en faisant de la recherche, proposer différentes solutions, prototyper et tester la ou les solutions pour définir celle qui fonctionne le mieux, construire la solution, mesurer son impact.

Dans mon rôle de lead, je passe beaucoup de temps à expliquer aux différents acteurs des entreprise l’intérêt de ce type de démarche centrée utilisateur. J’organise le travail des équipes et oriente nos activités de recherche et de design pour avoir une expérience utilisateur cohérente, surtout quand il y a plusieurs produits dans l’entreprise. J’aide les juniors à monter en compétence, fais du mentoring et me charge souvent d’une grosse partie de la relation avec les autres équipes, notamment de développement.

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3.   Selon vous, quel est le rôle des femmes dans l’IT ? Y ont-elles leur place ? 

J’espère bien qu’il y a une place des femmes dans l’IT ! Et pas que dans les équipes RH comme le je vois hélas très souvent.

Ce qui est génial (non?), c’est que l’informatique au début était un métier de femmes, car ce sont « elles qui tapaient au clavier ». Sans parler d’icônes comme Ada Lovelace qui a conceptualisé le premier ordinateur avant son invention, Grace Hopper qui a « inventé » le concept de bug informatique, Margaret Hamilton, etc. Et puis est arrivé le « Personal Computer » et le fait que l’informatique est devenue un métier de « prestige » avec des hauts salaires, du coup nos société Est-Européennes et Nord Américaines ont « poussé » les femmes dehors des métiers de l’IT. Je vous laisse écouter le podcast « Des ordis, des souris et des hommes » qui résume assez bien cette « histoire » de l’informatique.

C’est également un problème culturel et d’éducation : la diversité dans la tech est un gros problème en Europe de l’Ouest et aux États Unis alors que l’Europe de l’Est avec des pays comme la Roumanie ou la Bulgarie deviennent des pionniers de la diversité. Différentes explications à ça sont proposées dont le fait que les anciens régimes communistes poussaient tout le monde à faire des études de science, mathématiques et informatiques alors que l’Europe de l’Ouest poussait plus souvent les garçons à aller en maths et science que les petites filles. A cela s’ajoute le fait qu’il était obligatoire pour les femmes de travailler dans ces régimes-là, du coup beaucoup de femmes sont allé vers ces métiers-là. Leurs filles aujourd’hui suivent leur exemple et continuent à aller plus souvent vers des filaires d’ingénierie, informatique, mathématique, etc. Vous pouvez lire « Eastern Europe is building the legacy for women in tech » pour en savoir plus sur le sujet.

C’est triste et frustrant d’être un peu trop souvent « la seule femme de l’équipe ». Un grand nombre d’études montrent que des environnements inclusifs et avec une grande mixité et diversité favorisent la création de produits et services de qualité. Avoir différentes personnes avec des vécus différents, qui viennent de différentes cultures également permet de créer une richesse de points de vue, de façons de penser qui permettent souvent de proposer des solutions plus innovantes et inclusives. 

L’inverse est également tristement vrai : le manque de diversité dans les équipes IT crée des produits qui « oublient » souvent une partie de la population. Un exemple concret ? En 2014, Apple sort le « Healthkit » qui permet de tracker différentes de données de santé. Les ingénieurs de la Silicon Valley ont juste « oublié » une métrique que la moitié de la population track très souvent : le cycle menstruel. Il leur aura fallu un an pour ajouter cette « fonctionnalité » et l’annonce en 2015 au WWDC… Je pourrais vous donner 100 exemples comme ça, des examples de biais dans des IA car elles ont été construites par des équipes non diverses et reproduisent les biais sociaux de leurs créateurs, etc.

Pour moi au final les femmes n’ont donc pas de « rôle » dans l’IT, au sens où leur rôle devrait être le même que les hommes : designeuses, developpeuses, cheffes de projets, cheffes d’entreprise, CEO, CIO, mettez tous les C levels que vous voulez ici !

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4.   Quels conseils donneriez-vous à des jeunes filles, qui comme vous, effectuent/ont effectué des études de langues et souhaitent travailler dans le monde de l’IT ?

Je leur conseillerai de se trouver un mentor, des alliées, de ne surtout pas hésiter à contacter d’autres femmes dans l’IT, d’aller à des évènements non mixtes. Parfois ça fait du bien de ne pas entrer dans une pièce et être « la seule femme ».

Il y a une très grande solidarité dans l’IT entre les femmes, nous partageons entre nous, nous avons des slacks et différents endroits physiques et virtuels où nous retrouver, partager des conseils, etc. 

Quelques endroits :

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5.   Comment la crise COVID-19 impacte-t-elle votre activité ?

Je travaille actuellement pour la Banque Européenne d’Investissement et nous sommes en train de refondre un de leurs plus gros outils. Toute notre équipe est passée en télétravail depuis mi-mars.

C’est un peu plus compliqué pour moi de faire de la recherche utilisateurs, car beaucoup de mes utilisateurs sont actuellement très occupés avec cette période de crise. Nous avons transformé nos interviews autour d’un café en interview Skype. Nous utilisons plus d’outils en ligne qu’avant.

Globalement nos outils ont changé, mais pour le moment j’ai beaucoup de chance car mon équipe s’est bien adaptée au travail à distance.

Du côté des conférences par contre, c’est plus compliqué. Je devais donner une conférence et un atelier en juin, les deux ont été reportés à septembre ou octobre.

Ça ouvre cependant de nouvelles opportunités. Beaucoup de meetups sont passés en ligne, du coup je peux participer à des meetups qui sont aux Etats- Unis depuis mon canapé. J’ai également été invitée à donner des conférences en ligne au lieu de me déplacer physiquement, ce que je n’ai jamais fait pour le moment. J’ai hâte de voir ce que ça va donner 🙂

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Pour toute question, n’hésitez pas à contacter Stéphanie Walter via son site web!